09 septembre 2010

T'accouches qu'on en finisse?

Mamantoutecroche a eu la brillante idée de créer un blogue publiant uniquement des récits d'accouchement. Qui, enceinte, n'a pas navigué sur la toile à la recherche de ces fameux récits (à part nos grands-mères et nos mères qui n'avaient pas encore Internet, bien sûr)? Qui, sur le point d'exploser une nouvelle vie, n'a pas été émue aux larmes, ou totalement effrayée, ou traumatisée au point de demander une anesthésie générale dès les premières contractions, ou rassurée de constater que si des milliers d'autres femmes l'ont fait, on y arrivera aussi, à la lecture de ces récits magiques? Puisque je trouve l'idée géniale (j'aurai pas besoin de googeler pendant des heures à mon prochain 39 semaines), j'ai décidé d'y participer. Fidèle à mon public (ça, c'est vous les amis), je vous offre en primeur le récit extraordinaire de l'arrivée de Bébé fille.


Ma date prévue d'accouchement était le 19 octobre, date que je me répugne à prononcer maintenant, l'ayant trop souvent dite quand j'étais enceinte. Comprenez, je dirige un centre d'art et en septembre, comme mes employées avaient recommencé l'école, je me devais d'accueillir les visiteurs moi-même. Voyant ma grosse bedaine, chaque visiteur et je dis bien CHAQUE visiteur s'exclamait: "Oh! Vous êtes enceinte, c'est pour quand?" J'ai donc prononcé "19 octobre" au moins mille fois ce mois-là. Bref, le matin du 19 octobre, rien. Au dîner non plus. Pas plus au souper, ni au coucher, ni tard dans la nuit. Le matin du 20, rien. Ni le 21. Donc, le 21 en soirée, j'en profite pour aller voir une pièce de théâtre, excellente, mais donc la fin était marquée par une adolescente qui se tranche la bedaine pour en faire sortir une pieuvre. Tout à fait inapproprié dans mon état de femme sur le point d'expulser un petit être sans défense. De retour à la maison, je monte me coucher pour une bonne nuit de sommeil ponctuée des habituels aller-retour à la salle de bain (un bébé et une vessie, ça ne cohabite pas dans un ventre). Vers minuit, une contraction me réveille. Je reste étendue un bon moment pour finir par me lever pour voir si elles vont arrêter. Au bout de quinze minutes, je retourne me coucher, fausse alerte, au grand désespoir de ma vessie qui voyait là la chance de retrouver son habitat naturel pour elle seule. À 4h du matin, une contraction me réveille à nouveau, cette fois bien présente. Je réveille l'amoureux et on part pour l'hôpital, avec mes valises et oreillers. À l'hôpital, on m'examine, 1 cm seulement, on me renvoie à la maison en me disant de prendre un bain. Un peu frustrée, je fais couler un bain et tente de m'y allonger pour relaxer. Faut savoir que mon bain, à cette époque, il fait 4 pieds de longueur par 2 pieds de largeur et que ma bedaine à elle seule fait 2 pieds de longueur par 3 pieds de largeur. Si vous faites le calcul, il ne restait plus beaucoup de place pour le reste de mon corps.
La journée passe et les contractions s'intensifient et se rapprochent. Moi qui m'étais promis d'accoucher naturellement, me voilà à rêvasser d'une petite péridurale de rien du tout qui me permettrait de faire un petit somme. Dehors, il commence à neiger. La panique s'installe dans la maison: nos deux voitures ont encore leurs pneus d'été! En hâte, l'amoureux s'habille et commence à poser les pneus d'hiver sur sa voiture. Moi, pendant ce temps, j'essaie de faire des exercices de visualisation pour détourner mon attention de mon utérus qui s'ouvre douloureusement en tabassant mes reins au passage.
Ça y est, on part enfin pour l'hôpital, il est 17h. Les infirmières m'examinent à mon arrivée pendant que je réfléchis au fait qu'il y a beaucoup trop de lumière dans ma chambre et qu'on devrait fermer la porte pour m'assurer un peu d'intimité; non, mais, c'est vrai, si je trouve qu'il y a trop de courants d'air dans le bas de mon corps, imaginez quand la petite y sera, elle va attraper la crève dès sa sortie! Une infirmière s'extirpe enfin de mon entre-jambe pour me souffler un petit : "2 cm, c'est pas pour tout de suite!" Ah la la.... Le désespoir, je vous dis. Une journée complète de contractions pour un maigre centimètre, la vie est parfois trop injuste. Je souligne au passage qu'à ce moment, mes contractions sont déjà aux 2 minutes et qu'elles durent plus de trente secondes. Je vous laisse imaginer comme c'était la joie dans ma jaquette d'hôpital! Toute cette activité intra-utérine m'ayant ouvert l'appétit, je demande une soupe, histoire de reprendre quelques forces pour me préparer à la looooongue nuit qui m'attend. À 22h, je demande à prendre un bain, tourbillon s'il vous plaît, très chaud. J'y reste jusqu'à 1h du matin. Je suis si fatiguée (je n'ai, depuis la veille, que 3 petites heures de sommeil dans le corps) que je somnole entre chaque contraction. L'amoureux s'inquiète, il trouve que le travail est trop long, il harcèle les infirmières pour qu'elles me soulagent de ma douleur, quitte à aller chercher le bébé à mains nues. Patientes, elles le rassurent, la durée d'un accouchement varie grandement d'une femme à l'autre. À 1h du matin, je sors du bain, toute plissée et amplement hydratée pour les trois prochaines années. Les contractions sont toujours à 2 minutes d'intervalle et je suis carrément épuisée.
Ça fait maintenant 25h que je suis en travail. Quand l'infirmière m'examine à nouveau pendant que je frappe sur le bord de mon lit à chaque contraction en jurant que la prochaine fois, c'est l'amoureux qui se tappe les douleurs de l'enfantement, elle me glisse un désespérant : "3 cm et demi". L'amoureux et moi, on se regarde longuement. Dans nos regards, c'est clair, on ne tiendra pas le coup encore un autre 25h. Moi, je risque de m'écrouler d'épuisement et l'amoureux risque de mourir d'une sérieuse crise de nerfs. La patience, c'est pas vraiment notre point fort! C'est ce moment que mon corps choisit pour flancher et signifier haut et fort qu'il n'en peut plus: je commence à saigner du nez et me met à trembler comme une vulgaire feuille à l'automne. Je murmure un faible : "Je voudrais juste dormir un peu" à l'amoureux qui a les mains pleines d'ampoules à force de me frotter le bas du dos à la Bonapace. En tendre conjoint prêt à tout pour la défense de sa femme, il part rejoindre l'infirmière dans le corridor pour la convaincre de me donner une péridurale dès que j'ai atteint 4 cm et ce, même si le médecin de garde ce soir-là refuse catégoriquement puisqu'il s'agit pour moi d'un premier accouchement et que ce médecin n'est pas très interventionniste. À coup d'arguments fracasseurs du genre : "Vous voyez ben qu'elle est épuisée!", "Elle n'aura même pas de force pour pousser si ça continue", "C'est SON corps, donnez-lui sa putain de péridurale qu'elle se repose un peu!", l'amoureux réussit à convaincre l'infirmière d'appeler l'anesthésiste.
Une péridurale plus tard, je tombe complètement endormie, d'un sommeil profond et sans rêve, avant même que l'anesthésiste ait terminé de ranger son matériel. Il est alors 3h du matin. À 6h, je me réveille en sursaut. Je regarde le moniteur à côté de moi et remarque que l'intensité des contractions a énormément diminuée. J'interroge l'infirmière qui me dit que le travail a arrêté dès que je suis tombée endormie et qu'il a fallu me donner de l'ocytocine pour le déclencher à nouveau. Un liquide coule entre mes jambes. Je signale à l'infirmière que je viens de perdre mes eaux. Elle doute qu'il s'agisse bel et bien de mes eaux qui ont crevées, elle continue alors à préparer la chambre tranquillement avant de venir m'examiner.....pour ensuite s'écrier toute surprise que j'ai bel et bien perdu mes eaux! Elle m'examine: 8 cm. Elle n'en revient pas et se dépêche d'aller réveiller mon amoureux et d'appeler le médecin de garde. Ça m'aura pris 27h pour dilater de 4 cm et 3h pour les 4 autres. L'infirmière n'a jamais vu ça dans toute sa carrière: j'ai dormi comme un bébé au moment où la plupart des femmes hurlent leur vie et accusent leur conjoint d'être responsable de leur douleur.
Dans peu de temps, le bébé sera là. Je sens déjà que ça pousse. Le médecin a tout juste le temps d'arriver dans la chambre que je commence déjà la poussée, tenant fermement la main de l'amoureux qui m'accompagne à chaque poussée, à chaque contraction, à chaque pause. La péridurale ayant fonctionné parfaitement, je ne ressens pas la douleur, mais je ressens quand même chaque contraction ce qui me permet de savoir quand pousser sans avoir à regarder sur le moniteur. L'amoureux, habituellement dédaigneux, touche la tête de Bébé fille qui commence à paraître de plus en plus. Les yeux brillants, il nous encourage, Bébé fille et moi, fier comme un paon de sa femme et de sa fille qui travaillent toutes deux pour que la rencontre ait lieu sans complication. Après 1h30 de poussée, le médecin dépose sur mon ventre ma petit grenouille que j'attends et que j'aime depuis déjà 9 mois. L'amoureux et moi savourons ce moment de grâce intense, le fruit de notre amour est enfin là, en pleine forme, vigoureuse, prête à découvrir la vie. C'est un moment tout simplement magique.
Bon, paraît que pendant qu'on s'extasiait d'avoir la plus belle fille du monde entier, que dis-je, de l'univers, mon utérus se la jouait rock n' roll et ne contractait pas, avec hémorragie en prime. Le médecin a dû entrer sa main dans mon utérus jusqu'à l'avant-bras (vive la péridurale) pour aller chercher le méchant caillot de sang qui risquait de tout saboter. Et paraît aussi que mon périnée a déchiré quand la deuxième épaule est sortie. Ça l'air. Mais je ne m'en souviens plus.
Je me rappelle seulement le bonheur qui a empli chaque parcelle de mon corps et de mon coeur en caressant le petit corps de Bébé fille, l'amoureux nous réchauffant toutes les deux avec ses grands bras.

1 commentaire:

  1. Merci.... je suis du pour 6 semaines et votre récit m'a arracher une larme ^^
    -Mag

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