15 mai 2010

Peut créer une dépendance

Ça y est, je l'ai fait. Et je suis toujours (relativement) saine d'esprit.
J'ai fait gardé Bébé fille une journée complète pour la première fois depuis sa naissance. Que d'appréhension et d'inquiétude! Cette séparation a demandé des jours, que dis-je, des semaines de préparation mentale et physique (ne serait-ce que pour préparer les réserves de lait maternel).
L'histoire, mes amis, s'écrit ici avec un grand "H".

C'est que, voyez-vous, je devais assister à une concertation sur les institutions muséales de mon coin de pays dans le cadre de mon travail. Rencontre sérieuse, possibilité de réseautage, discussion d'adulte sur des sujets d'adulte, voilà ce qui m'attendait et donc, la présence de Bébé fille était formellement interdite. Heureusement, l'autre grand-mère était disponible pour garder mon petit trésor.
Après avoir expliqué en long et en large la routine complète de Bébé fille dans chaque pièce de la maison jusqu'à préciser l'heure du caca, j'ai serré mon petit ange bien fort et lui ai souhaité une bonne journée, la larme à l'oeil. Assise dans la voiture, j'ai dû me cramponner au volant à deux mains pour ne pas revenir en courant dans la cuisine pour lui demander pardon de l'abandonner ainsi à peine âgée de 6 mois et demi. J'ai démarré la voiture et suis partie.
Au bout de trente minutes passées sur l'autoroute, j'ai commencé à savourer la présence d'un ami absent dans ma vie depuis belle lurette: le silence.
Doux silence à mes oreilles. Pas de pleurs, pas de crise, pas de lamentations parce que le chapeau glisse sur les yeux de Bébé fille. J'ai savouré le plaisir de conduire sans avoir à chanter "Saute, saute, saute, petite grenouille, nage, nage, nage, tu n'as pas peur de l'eau" durant tout le trajet. Plus j'avançais sur l'autoroute et plus mon bonheur grandissait. J'ai eu envie de chanter de joie et, croyez-le ou non, je me suis mise à chanter à tue-tête "C'est la poulette grise, qui a pondu dans l'église".
Décidément, un sevrage s'imposait.
Dans le stationnement du lieu où se tenait la concertation, j'ai pris la ferme décision de passer la journée sans parler de bébé ou de maternité. J'ai donc effectué un rapide repérage des mères potentielles dans la salle, me promettant de m'en tenir loin. L'avant-midi s'est déroulée de façon magique. Des présentations intéressantes, avec des mots compliqués. Pas de c'est à qui le beau bébé, ga ga gou, guili-guili on chatouille les pieds. Non, des trucs complexes du genre institutions, concertation, mise en marché, volet éducatif, enveloppe budgétaire, etc. Extase sublime, rien de moins.
Quand la présentatrice nous a annoncé que nous avions à peine une heure pour dîner, j'ai failli hurler de joie. Une heure pour dîner, je n'en croyais pas mes oreilles. Mais avant d'aller au restaurant, je devais d'abord régler un gros problème. Le fait d'avoir sauté un boire avait rendu ma poitrine certes fort attrayante, mais ô combien douloureuse. J'avais même loupé la fin de la dernière présentation à cause du picotement qui devenait de plus en plus intense. Donc, quand tous les participants sont sortis pour aller au restaurant, je suis allée chercher le nécessaire dans ma voiture : petite glacière dans laquelle se trouvait tire-lait et débarbouillette. J'ai bien tenté d'aller récupérer le tout discrètement, mais je voyais bien que les participants qui me croisaient se demandait ce que je faisais avec une boîte à lunch alors que le dîner était inclus. Qu'à cela ne tienne, je préférais qu'ils m'imaginent en train de m'empiffrer de beignes en cachette avant d'aller dîner qu'en pleine séance de traite, armée de mon tire-lait. Entre deux maux, faut savoir choisir le moindre et j'ai pensé qu'avoir un appétit insatiable doublé d'une culotte de cheval proéminente était meilleur pour ma crédibilité.
Une fois la besogne terminée, je me suis empressée d'aller rejoindre le reste du groupe au restaurant. Les choses se sont un peu gâtées à ce moment. J'étais assise avec des femmes brillantes et amusantes qui n'avaient pas d'enfants. J'ai poussé ma chance en prenant un petit verre de rouge, sachant que je n'allaiterais pas avant l'heure du souper. Les conversations allaient bon train. N'ayant pas bu d'alcool depuis un bon moment, les quelques gorgées prises me sont rapidement montées à la tête. Je me souviens vaguement d'avoir tenté de faire avaler à ma voisine d'en face son potage avec sa propre cuillère, d'avoir également dit à ma voisine de gauche qu'elle devait terminer son assiette si elle voulait du dessert et d'avoir essuyé la bouche de ma voisine de droite. On m'a poliment retiré ma coupe de vin lorsque j'ai tapé dans le dos d'une femme pour lui faire faire son rot. Mis à part ces quelques incidents, l'heure du repas a été fort agréable (pour moi, à tout le moins).
L'après-midi a été tout aussi époustouflante que l'avant-midi. Ateliers de discussion pour élaborer les politiques d'un futur réseau d'institutions, présentations et réunion plénière étaient au programme. Je commençais à prendre goût à ces moments off baby. J'étais surprise de constater que mon cerveau n'était pas qu'un amalgame d'instinct maternel, d'idées de recettes pour des purées maison et de radar à boîtes de couches en spécial. J'en suis presque venue à oublier que j'étais mère. Je dis bien presque, parce que c'est pas vraiment le genre de chose qu'on peut oublier.
Une fois la concertation terminée, j'ai sauté dans ma voiture et suis rentrée chez moi. Je suis entrée dans la cuisine et Bébé fille était sur le plancher, l'autre grand-mère jouant avec elle. Quand elle a entendu ma voix, Bébé fille a levé la tête vers moi, m'a fait le plus grand sourire que j'ai vu de toute ma vie, s'est mise à quatre pattes et tout en essayant de s'approcher de moi, elle a éclaté d'un magnifique rire qui a emplit toute la maison.
Un vertige de bonheur au coeur, je l'ai prise dans mes bras et lui ai fait un gros câlin.
Avoir un enfant, ça crée toute une dépendance.

2 commentaires:

  1. que de belles émotions drôles et touchantes nous viennent à la lecture de ce billet carrément parfait.À lire et relire...

    RépondreSupprimer
  2. Merci Raymonde!
    Je prends les dons en argent, suffit de consulter la rubrique "Pour me joindre" :P

    RépondreSupprimer