Une journée spéciale

Cette journée-là était différente des autres. Je l'ai senti en m'éveillant. L'excitation générale était palpable. Je savais que quelque chose allait changer, je n'aurais pas su dire quoi exactement. Les bruits autour de moi étaient modifiés, accélérés. C'était vraiment étrange.

C'est la voix de ma soeur qui m'a tiré de mon sommeil, ce matin-là. Son rire, plus précisément. Et celui de ma mère ensuite. J'ai bien senti que ces deux-là s'amusaient comme des folles ensemble, j'ai voulu me joindre à elles et je me suis étiré de tout mon long pour bien m'éveiller. Puis, j'ai entendu papa, avec sa voix endormie et son rire grave. Il a dit à ma soeur qu'il la trouvait très belle. Puis, j'ai entendu sa voix plus fort quand il a dit la même chose à maman. Maman a dit une blague et tout le monde a rit. Vraiment, ça s'annonçait être une belle journée.

Plus tard, je suis allé à l'hôpital avec maman. Je le sais parce que maman me l'a dit. Elle semblait nerveuse et je ne savais pas pourquoi. On lui a dit de s'allonger et on a tamisé les lumières. J'ai pensé que maman allait dormir, alors je me suis installé confortablement pour faire de même. Puis, on s'est mis à me tripoter. À gauche, à droite, en haut, en bas. Prendre mes mesures, écouter mon coeur, compter mes bras, mes jambes, mes doigts. J'étais paniqué. J'ai donné un coup de pied pour me protéger des intrus. Et maman a rit. J'ai ouvert ma bouche pour leur dire de me laisser tranquille. Et maman a rit encore plus fort. Entendre le rire de maman m'a réconforté, je me suis calmé. Elle aussi semblait plus calme. Ça m'a rassuré.

Puis, je l'ai entendu me parler.

«Ouvre les jambes bébé, qu'on voit un peu si Bébé fille aura une soeur ou un frère.»
«Bon, maman, je t'aime beaucoup, mais pas question que j'ouvre mes jambes. Je suis pudique. Devant des inconnus, quand même, tu m'en demandes trop.»
«Voyons bébé, fais-le pour maman, tu veux bien. Juste quelques secondes. Tu me vaux bien ça, après toutes les nausées que j'ai eues!»

Et comme elle riait à nouveau, je me suis dit que je pouvais bien lui faire plaisir un peu. Elle a le don, ma mère, d'obtenir ce qu'elle veut!

J'ai ouvert mes jambes et j'ai attendu.

Le coeur de maman s'est mis à battre très vite, je l'entendais dans mes oreilles.

«Bonjour, Bébé Fiston», qu'elle m'a dit. J'ai trouvé ça joli.